Tutelle

   La tutelle est la charge imposée à quelqu'un par la loi, ou par la volonté de l' homme, en vertu des dispositions de la loi, d' administrer gratuitement la personne et les biens d' un incapable, on nomme tuteur celui qui exerce cette charge.

    Tutelle légale.-
Le père est, durant le mariage, administrateur des biens personnels de ses enfants mineurs. Après la dissolution du mariage, arrivée par la mort naturelle ou civile de l' un des époux, la tutelle des enfants mineurs et non émancipés appartient de plein droit au survivant des père et mère.
   Cepandant le père peut modifier la tutelle de la mère, s' il la juge incapable d' administrer seule les biens de ses enfants ; mais il ne pourrait, dans aucun cas, la lui enlever entierement. Quand a la tutelle du père, elle ne peut jamais etre limitée.
   Si, lors du déçès du mari, la femme est enceinte, il sera nommé un curateur au ventre par le conseil de famille. A la naissance de l' enfant, la mère en deviendra tutrice et le curateur en sera de plein droit subrogé-tuteur. C' est le seul cas ou le subrogé-tuteur l' est de plein droit.
   La mère n' est point tenue d' accepter la tutelle ; néanmoins, et en cas qu' elle refuse, elle devra remplir les devoirs jussqu' a ce qu' elle ait fait nommer un tuteur.
   Si la mère tutrice veut se remarier, elle devra, avant l' acte de mariage, convoquer le conseil de famille, qui decidera si la tutelle doit lui etre conservée. A défaut de cette convocation, elle prendra la tutelle de plein droit, et son nouveau mari sera solidairement responsable de toutes les suites de la tutelle qu' elle aura indument conservée.
   Lorsque le conseil de famille, dument convoqué, conservera la tutelle a la mère, il lui donnera nécessairement pour co-tuteur le second mari, qui deviendra solidairement responsable, avec sa femme, de la gestion posterieure au mariage.

   Tutelle déférée.- Le droit de choisir un parent tuteur, ou meme étranger, n' appartient qu' au dernier mourant des père et mère.    La mère mariée, et non maintenue dans la tutelle des enfants de son premier mariage, ne peut leur choisir un tuteur. Lorsque la mère remariée et maintenue dans la tutelle aura fait le choix d' un tuteur aux enfants de son premier mariage, ce choix ne sera valable qu' autant qu' il sera confirmé par le conseil de famille.
   Le tuteur élu par le père ou la mère n' est pas tenu d' accepter la tutelle, s' il n' est d' ailleurs dans la classe des personnes qu' a défaut de cette élection spéciale le conseil de famille eut pu en charger.
   En général, il est vrai de dire que la tutelle est une charge qu' on ne peut refuser, exepté lorsqu' on se trouve dans la catégorie des causes d' excuses légitimes expliquées par la loi. Ainsi une personne étrangère a l' enfant peut refuser la tutelle lorsqu' il se trouve dans la distance de quatre myriametres des parents ou alliés en état de la gérer.
   Lorsqu' il n' a pas été choisi au mineur un tuteur par le dernier mourant des père et mère, la tutelle appartient de droit à son aieul paternel ; a défaut de celui-ci, à son aieul maternel, et ainsi en remontant de manière que l' ascendant paternel soit toujours préféré à l' ascendant maternel du meme degré.
   Si à défaut d' aieul paternel et d' aieul maternel du mineur, la concurrence se trouvait établie entre deux ascendants du degré supérieur, qui apartiennent tous deux a la ligne paternel du mineur, la tutelle passera de droit à celui des deux qui se trouvera etre l' aieul paternel du père du mineur.
   Si la meme concurrence a lieu entre deux bisaieuls de la ligne maternelle, la nomination sera faite par le conseil de famille, qui ne pourra néanmoins que choisir l' un de ces deux ascendants.
   La tutelle des enfants admis dans les hospices appartient à l' un des membres de la commission des hospices, désigné par la commission, laquelle remplit l' office de conseil de famille.
   Lorsqu' un enfant mineur et non émancipé restera sans père et mère, ni tuteur élu par ses père et mère, ni ascendant male ; comme aussi lorsque le tuteur de l' une des qualités ci-dessus exprimées se trouvera ou dans le cas des exclusions dont il sera parlé ci-apres, ou valablement excusé, il sera pouvu par le conseil de famille à la nomination d' un tuteur.
   Ce conseil sera convoqué, soit sur la réquisition et à la diligence des parents du mineur, de ses dréanciers ou d' autres parties intérréssées, soit meme d' office, à la poursuite du juge de paix du domicile du mineur. Toute personne pourra dénoncer à ce juge de paix le fait qui donnera lieu à la nomination du tuteur.
   Le tuteur agira et administrera en cette qualité du jour de sa nomination, si elle a lieu en sa présence, sinon du jour qu' elle lui aura été notifiée.
   La tutelle est une charge personnelle qui ne passe jamais aux héritiers du tuteur. ceux-ci seront seulement responsable de la gestion de leur auteur, et s' ils sont majeurs, ils seront tenus de continuer jusqu' a la nomination d' un nouveau tuteur.

   Subrogé-tuteur.-Le subrogé-tuteur est la personne chargée dans toute tutelle de veiller aux intérets du pupille, et de les défendre lorsqu' ils sont en opposition avec ceux du tuteur.
   Dans toute tutelle, il y aura un subrogé-tuteur nommé par le conseil de famille, et pris dans la ligne opposée a celle du tuteur. Ses fonctions consistent a agir pour les intérets du mineur, lorsqu' ils seront en opposition avec ceux du tuteur. Il peut demander lorsque ce n' est pas le père ou la mère qui sont tuteurs un compte annuel à une époque déterminée par le conseil de famille.
   Dans toutes les tutelles naturelles ou légitimes, le père, la mère ou l' ascendant tuteur doivent, avant d' entrer en fonction, faire convoquer le conseil de famille pour la nomination du subrogé-tuteur ; et s' ils s' ingèrent dans la gestion avant d' avoir rempli cette formalité, le conseil de famille, convoqué, soit sur la réquisition des parents, soit d' office, par le juge de paix, peut, s' il y a lieu, lui retirer la tutelle, sans préjudice des indemnités dues au mineur.
   Dans les autres tutelles la nomination d' un subrogé-tuteur a lieu immédiatement apres celle du tuteur.
   Hors le cas ou le conseil de famille ne se trouve composé que de frères germains, qui appartiennent tout a la fois a la ligne paternelle et a la ligne maternelle, le subrogé-tuteur doit etre pris dans celle des deux lignes à laquelle n' appartient pas le tuteur.
   Ainsi, en cas de mort, de destitution ou de démission du tuteur, si son successeur est pris dans la ligne à laquelle appartient le subrogé-tuteur, il faut nommer un nouveau subrogé-tuteur choisi dans l' autre ligne ; et s' il n' y a de parents que dans une des deux lignes, et que le tuteur ait été choisi parmi eux, le subrogé-tuteur doit etre pris parmi les amis qui représente l' autre ligne.
   Le tuteur ne peut, en aucun cas, voter pour la nomination du subrogé-tuteur qui est appelé a surveiller sa gestion ; il ne peut non plus, par la meme raison, en provoquer la destitution ni voter dans les conseils de famille convoqués pour cet objet.
   Les fonctions de subrogé-tuteur cessent à la meme époque que celles du tuteur.
   Le subrogé-tuteur doit obligé l' époux commun survivant à faire inventaire, sous peine d' etre avec lui solidairement tenu de toutes les condamnations qui peuvent etre prononcées au profit des mineurs. Cet inventaire doit avoir lieu contradictoirement avec lui ou avec son mandataire spécial.
   Il est tenu sous sa responsabilité personnelle, et sous peine de tous dommages-intérets, de veiller à ce qu' il soit pris inscription sans délai sur les biens du tuteur, pour raison de sa gestion, meme de faire faire cette inscription ; ses biens ne sont grévés d' aucune hypotheque légale.
   C' est contre le subrogé-tuteur que doit etre formée la demande du tuteur qui veut faire réduire l' hypotheque générale que la loi accorde au pupille sur ses biens.
   L' incapacité de recevoir du pupille, prononcée contre le tuteur, ne peut etre étendue au subrogé-tuteur, dont l' art. 907 du code civil ne fait aucune mention.
   La tutelle est une charge publique instituée dans l' intéret particulier du mineur, que personne ne peut refuser sans excuse ou dispense légitime.
   Néanmoins, tout citoyen non parent ni allié ne peut etre forcé d' accepter la tutelle que dans le cas ou il n' existerait pas, dans la distance de quatre myriametres, des parents ou alliés en état de gerer la tutelle.
   Sont encore dispensées de la tutelle, les personnes désignées dans l' acte du 18 mai 1804.
   Sont encore dispensés de la tutelle les individus agés de soixante cinq ans accomplis, et celui qui aura été nommé avant cet age pourra, a soixante dix ans, se faire decharger de la tutelle.
   Tout individu atteint d' une infirmité grave et dument justifiée, pourra s' en faire décharger, si cette infirmité est survenue depuis sa nomination.
   Sont aussi dispensées les personnes déja chargées de deux tutelles : celles qui auront cinq enfants légitimes, etc
   Le code civil dispose a ce sujet :

Art.442. Ne peuvent etre tuteurs, ni membres des conseils de famille : 1° les mineurs, excepté le père ou la mère ; 2° les interdits ; 3° les femmes, autres que la mère et les ascendants ; 4° tous ceux qui ont, ou dont les père et mère ont avec le mineur un proçes dans lequel l' état de ce mineur, sa fortune, une partie notable de ses biens sont compromis.


   La condamnation à une peine afflictive ou infamante, emporte de plein droit l' exclusion de la tutelle. Elle emporte de meme la destitution, dans le cas ou il s' agirait d' une tutelle antérieurement déférée.
   Sont aussi exclus de la tutelle, et meme destituables s' ils sont en exercice ; 1° les gens d' une inconduite notoire ; 2° ceux dont la gestion attesterait l' incapacité ou l' infidélité.
   Tout individu qui aura été exclu ou destitué d' une tutelle, ne pourra etre membre du conseilde famille.
   Toutes les fois qu' il y aura lieu à une destitution du tuteur, elle sera prononcée par le conseil de famille, convoqué à la diligence du subrogé-tuteur, ou d' office par le juge de paix.
   Le tuteur prendra soin de la personne du mineur et le représentera dans tous les actes civils. Il administrera ses biens en bon père de famille, et répondra des dommages-intérets qui pourraient résulter d' une mauvaise gestion. Il ne peut ni acheter les biens du mineur, ni les prendre à ferme, à moins que le conseil de famille n' ait autorisé le subrogè-tuteur à lui en passer bail ; ni accepter la cessation d' aucun droit au créancier contre son pupille.
   Dans les dix jours qui suivront celui de sa nomination, dument connu de lui, le tuteur requerra la levée des scellés, s' ils ont été apposés, et fera procéder immédiatement à l' inventaire, à peine de déchéance, et ce, sur la réquisition que l' officier public sera tenu de lui en faire, et dont mention sera faite au procès-verbal.
   Dans le mois qui suivra la cloture de l' inventaire, le tuteur fera vendre, en présence du subrogé-tuteur, aux encheres reçues par un officier public, et après des affiches ou publications dont le proçes verbal de vente fera mention, tous les meubles autres que ceux que le conseil de famille l' aura autorisé à conserver en nature.
   Le tuteur, meme le père ou la mère, ne peuvent emprunter pour le mineur, ni aliener ni hypothequer ses biens immeubles, sans y etre autorisé par le conseil de famille.
   Cette autorisation ne devra etre accordée que pour cause d' une nécessité absolue, ou d' un avantage évident. Dans le premier cas, le conseil de famille n' accordera son autorisation qu' apres qu' il aura été constaté, par un compte sommaire présenté par le tuteur, que les deniers, effets mobiliers et revenus du mineur sont insuffisants. Le conseil de famille indiquera, dans tous les cas, les immeubles qui devront etre vendus de préférence, et toutes conditions qu' il jugera utiles.
   Les délibérations du conseil de famille relatives a cet objet, ne seront exécutées qu' apres que le tuteur en aura demandé et obtenu l' homologation devant le tribunal de premiere instance, qui statuera en la chambre du conseil, et apres avoir entendu le procureur impérial.
   La vente sera faite publiquement, en présence du subrogé-tuteur, aux enchères, qui seront reçues par un membre du tribunal, ou par un notaire à ce commis, et à la suite de trois affiches apposées, pendant trois dimanches consécutifs, aux lieux accoutumés dans le canton.
   Le tuteur ne pourra accepter ni répudier une succession échue au mineur, sans une autorisation préalable du conseil de famille. L' acceptation ne pourra avoir lieu que sous bénéfice d' inventaire.
   La donation faite au mineur ne pourra etre acceptée par le tuteur qu' avec l' autorisation du conseil de famille, et de l' avis de trois jurisconsultes désignés par le procureur impérial. La transaction ne sera valable qu' apres qu' elle aura été homologuée par le tribunal de premiere instance, apres avoir entendu le procureur impérial.
   Tout tuteur est comptable de sa gestion lorsqu' elle finit, meme le père et la mère.
   Le compte définitif de tutelle sera rendu aux depens du mineur, lorsqu' il aura atteint sa majorité ou obtenu son émancipation. Le tuteur en avancera les frais.
   Tout traité, qui pourra intervenir entre le tuteur et le mineur devenu majeur, sera nul, s' il n' a été précédé de la reddition d' un compte détaillé et de la remise des pieces justificatives, le tout constaté par un récépissé de l' ayant-compte, deux jours au moins avant le traité.
   Toute action du mineur contre son tuteur, relativement aux frais de la tutelle, se prescrit par dix ans, à compter de la majorité.

-Extrait de"Encyclopédie générale du XIXe siècle"
Manuel du citoyen français - 1870

 

 

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